L’évènement historique du 18 décembre 2023, où le Vatican a donné son accord formel pour la bénédiction des couples de même sexe, marque un tournant significatif dans la doctrine de l’Église catholique. Ce geste, sanctionné par le Pape François, illustre une avancée vers une acceptation plus large des fidèles dans leur diversité de vie. Il est cependant essentiel de noter que l’approbation vaticane établit une distinction claire entre la bénédiction liturgique et le sacrement du mariage tel que l’Église le définit traditionnellement.
La bénédiction des couples de même sexe, d’après le texte approuvé, ne doit pas être interprétée comme une équivalence ou un précurseur du mariage entre personnes de même sexe. Cela peut potentiellement amener à des confusions, entrainant une altération de la compréhension véritable de la doctrine catholique. En effet, on observe déjà que de telles méprises se propagent rapidement, notamment sur les réseaux sociaux et dans des déclarations publiques, spécialement sur le continent africain où certaines publications erronées proclament que l’Église a autorisé le mariage homosexuel.
Ces informations inexactes peuvent engendrer non seulement de la confusion mais peuvent également provoquer des tensions au sein de communautés où la doctrine de l’Église joue un rôle prépondérant dans les structures sociales et morales. Il est donc crucial que les responsables d’Église, théologiens et laïcs engagés travaillent de concert pour éclaircir ces malentendus et transmettre les nuances de cette décision papale sans équivoque.
Le Vatican, conscient des potentielles ambiguïtés, a apparemment pris des mesures pour dissiper tout malentendu en organisant des conférences de presse et en diffusant des communiqués détaillés. En outre, on s’attend à ce que des directives pastorales complémentaires accompagnent les prêtres et les fidèles pour célébrer ces bénédictions d’une manière qui respecte à la fois les personnes concernées et l’enseignement de l’Église catholique.
“Religion : L’église catholique romaine autorise le mariage homosexuel” ou encore “Le Pape vient d’officialiser le mariage des couples de même sexe” ; voici les descriptions qui accompagnent différentes images du Pape François largement relayées sur les réseaux sociaux depuis fin décembre 2023 en Afrique de l’Ouest et centrale notamment, mais aussi en France. L’une de ces publications, une vidéo, a été partagée plus de 900 fois sur Facebook totalisant 81.000 vues et plus de 800 commentaires depuis le 28 décembre 2023.
Dans les différents commentaires laissés sous ces publications Facebook, certaines personnes n’hésitent pas à diaboliser l’Eglise catholique, quand d’autres affichent leur incompréhension ou leur opposition face à cette prétendue décision du Pape.
Cette vague de publications fait suite à une déclaration, signée par le Pape François le 18 décembre 2023, qui autorise la bénédiction de couples de même sexe par des prêtres à condition qu’elle soit effectuée en dehors des rituels liturgiques. Elle n’autorise cependant pas le mariage entre personnes de même sexe.
Cette déclaration intitulée “Fiducia supplicans” sur “la signification pastorale des bénédictions” prise par le puissant dicastère (ministère) pour la Doctrine de la foi est consultable sur le site internet du Vatican (archivée ici).

Le texte confirme la définition du mariage aux yeux de l’Eglise comme “une union exclusive, stable et indissoluble entre un homme et une femme, naturellement ouverte à la génération d’enfants“.
Le Vatican rappelle que “l’Église a toujours considéré comme moralement licites uniquement les relations sexuelles vécues dans le cadre du mariage”.
C’est à dire qu’elle n’autorise les relations sexuelles que dans le cadre du mariage, donc entre un homme et une femme. “La doctrine de l’Église sur ce point reste ferme“, insiste le Vatican.
Mais la déclaration du 18 décembre développe “une compréhension plus large des bénédictions” par rapport aux textes antérieurs.
Le Vatican fait désormais une distinction entre une bénédiction liturgique, donnée lors du sacrement du mariage par exemple, et les bénédictions hors liturgie.
“Il ne faut ni promouvoir ni prévoir un rituel de bénédiction des couples en situation irrégulière, mais il ne faut pas non plus empêcher ou interdire la proximité de l’Église avec toute situation où l’on recherche l’aide de Dieu au moyen d’une simple bénédiction”, avance la déclaration.
Ainsi, le document ouvre la voie à la bénédiction par des prêtres de couples “irréguliers” aux yeux de l’Eglise, qui incluent les divorcés remariés et les personnes non mariées, ainsi que les couples de même sexe, à condition qu’elle soit effectuée en dehors des rituels liturgiques.
Afin de ne pas créer de confusion avec la bénédiction propre au sacrement du mariage, cette bénédiction “ne sera jamais accomplie en même temps que les rites civils d’union, ni même en relation avec eux“, précise le document. “Ni non plus avec des vêtements, des gestes ou des paroles propres au mariage“, ajoute le Vatican.
Une déclaration mal interprétée
Selon Odon Vallet, historien des religions français, les publications sur les réseaux sociaux affirmant que l’Eglise autorise désormais le mariage homosexuel “sont une mauvaise interprétation de la décision du souverain pontife“.
“La doctrine et la position de l’Eglise catholique n’ont pas changé en ce qui concerne le mariage pour les couples de même sexe. Il n’y a pas de mariages homosexuels au sein de l’église catholique“, indique Odon Vallet qui renvoie aux définitions du “mariage” et de la “bénédiction” dans le texte publié par le Vatican.
La déclaration reconnaissant la possibilité pour des prêtres de bénir des couples de même sexe “participe de la politique des petits pas pratiquée par François à leur égard” explique Céline Béraud sociologue française, directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et membre du Centre d’études en sciences sociales du religieux (Césor).
Il s’agit “d’une ouverture pastorale qui s’inscrit dans la position de l’Église catholique sur la question de l’homosexualité, telle qu’elle a été formulée dans les années 1970 et réaffirmée vingt ans plus tard dans son catéchisme : si les pratiques sont condamnées, les personnes doivent être accueillies”, ajoute la chercheuse.
“Une position bien difficile à tenir, tant elle peut sembler contradictoire, mais que François pousse à son paroxysme avec Fiducia Suplicans” selon Mme Béraud.
Des oppositions en Afrique et ailleurs
Depuis la publication par le Vatican de cette déclaration, les réactions ont été différentes d’un pays à l’autre et d’un continent à l’autre.
La déclaration a été bien accueillie par différents épiscopats, notamment autrichien, suisse ou britannique. Mais cette note considérée comme un changement doctrinal de premier plan a provoqué une levée de boucliers de nombreux évêques, notamment en Afrique.
Le 11 janvier 2024, les évêques catholiques africains réunis à Accra, la capitale du Ghana, ont jugé “pas approprié” la bénédiction de couples de même sexe sur leur continent.
Selon eux, une telle bénédiction entraînerait “une confusion et serait en contradiction directe avec l’éthos culturel des communautés africaines“.
En Afrique, une trentaine de pays interdisent l’homosexualité, selon l’Association internationale des lesbiennes, gays, bisexuels, trans et intersexes (ILGA). L’Ouganda, la Mauritanie et plusieurs États du nord du Nigeria punissent très sévèrement les relations entre personnes de même sexe, pouvant être condamnées à la peine de mort.

L’Afrique du Sud est la seule nation du continent africain à autoriser le mariage homosexuel, qu’elle a légalisé en 2006.
Face aux critiques et interprétations erronées, le Vatican a cherché à clarifier la déclaration, dans un communiqué publié le 04 janvier 2024.
Les autorités se défendent de tout errement doctrinal tout en reconnaissant son application “imprudente” dans certains pays.
“Il est clair qu’il n’y aurait pas de place pour se distancer doctrinalement de cette Déclaration ou pour la considérer comme hérétique, contraire à la tradition de l’Église ou blasphématoire“, se défend le dicastère dans ce communiqué de cinq pages (archivé ici).
Son préfet (N.1), le cardinal argentin Víctor Manuel Fernández, souligne toutefois la nécessité de prendre en compte “la situation délicate de certains pays” où l’homosexualité est rejetée.
“S’il existe des législations qui condamnent à l’emprisonnement et, dans certains cas, à la torture voire à la mort le simple fait de se déclarer homosexuel, on comprend qu’une bénédiction serait imprudente“, reconnaît le dicastère.
Plutôt que de défendre “une doctrine différente“, le Saint-Siège souligne la “nécessité d’une étude et d’un discernement afin d’agir avec prudence pastorale dans ce contexte“.
Il rappelle par ailleurs que “cette forme de bénédiction non ritualisée, par la simplicité et la brièveté de sa forme, ne prétend pas justifier quelque chose qui n’est pas moralement acceptable“, alors que l’Eglise considère les relations homosexuelles comme un péché.
Une transformation significative au sein de l’Eglise
Depuis son élection en 2013, le pape François insiste sur l’importance d’une Eglise ouverte à tous et notamment aux fidèles LGBT+, mais ses efforts rencontrent une forte résistance chez sa frange traditionnelle et conservatrice.
De l’avis de plusieurs analystes et spécialistes des religions, la récente décision du Vatican d’accorder la bénédiction aux couples de même sexe représente une transformation significative au sein de l’Église catholique et une démarche vers une plus grande ouverture, témoignant de la volonté de l’Église de s’aligner davantage avec les réalités et convictions contemporaines d’une partie de ses fidèles à travers le monde.
“Cependant, cette avancée n’offre qu’une solution partielle. Bien que la doctrine renouvelée autorise la bénédiction des couples homosexuels, elle se concentre sur les individus plutôt que sur leur union. L’Église maintient une vision hétéronormative des relations de couple, et ces bénédictions ne sont pas envisagées dans le cadre des cérémonies liturgiques, pouvant rassembler au sacrement du mariage” se désole Laurent Boquet, membre de la Rosa Letzebuerg, une organisation qui défend les intérêts des personnes LGBTQI+.
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