J’aime pas. L’art du service en salle dans un restaurant est un savant mélange de traditions et de savoir-faire. De personnalité et de spontanéité.
Est-ce un manuel ou un penchant naturel qui dicte au serveur cette petite phrase apparemment si anodine, si affable qu’elle semble se fondre dans le ballet des gestes?
Quelques mots presque aussi banals que le sempiternel “comment allez-vous?” qui n’appelle le plus souvent guère de réponse. A table, cette politesse d’usage s’intercale entre les plats. “Cela vous a plu?”, “tout s’est bien passé?”, “c’était bon?”.
Je ne sais pas répondre à cela dans un restaurant. Ou plutôt je ne me vois pas répondre autrement que par un sourire convenu et une formule tout faite. “C’était parfait”, “très bien, merci”, “excellent”. Heureusement, la plupart du temps, j’exprime là ma franche satisfaction. Mais il arrive qu’une assiette me déçoive. Que je la trouve ratée. Ou simplement pas extraordinaire.
Sauf que je ne sais pas dire “j’aime pas”. J’imagine aussitôt l’embarras du serveur, la curiosité de la table d’à côté, la question suivante, le service qui soudain se fige, le chef qu’on informe. Une réaction en chaîne dont on ne mesure ni l’issue, ni les conséquences. Alors je l’avoue, j’ai la faiblesse de me retrancher parfois derrière une réponse de circonstance. Ainsi le service est sauf, le chef serein. Je suis une cliente modèle.
Mais aussi, j’aime à penser que si un plat n’a pas brillé, le suivant peut-être m’éblouira. Je lui laisse sa chance, au cuisinier. Demande-t-on son avis au spectateur à l’entracte ? Et quand bien même le rideau est tombé et le dernier plat emporté, je plaide pour qu’on me laisse méditer autant que digérer. Et exprimer plus tard, ailleurs qu’à table, cet indicible “je n’ai pas aimé”.
Source: Huffinton post
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